De l'élégance automnale
BILLET
L'automne passe avec ses couleurs, dérobe leurs derniers sourires aux nostalgiques de l'été. L'homme élégant se réjouit. Il retrouve avec soulagement, comme de vieux amis, les manteaux, gilets et chapeaux, qui lui avaient manqués. En vérité, la beauté ne saurait résider dans le spectacle extrême de la canicule ou du blizzard. Si l'arrivée de l'automne représente parfois une profonde satisfaction esthétique, cela est sûrement dû au fait que cette saison se révèle moins caricaturale que l'été et l'hiver. Loin de l'immobilité qui lasse, l'automne se montre changeant, tout en nuances. Sa couleur glisse lentement d'une teinte à une autre, et sa lumière ne miroite jamais deux fois à l'identique. L'homme élégant aime à suivre le mouvement délicat et raffiné de cette époque qui semble toujours prête à se laisser prendre en photo. Qu'on se le tienne pour dit : les paysages et les tenues d'automne n'ont guère besoin de retouches. Ils présentent toujours déjà ce somptueux éclat des reflets crépusculaires.
Oui, l'automne est la saison la plus fidèle à l'idéal d'élégance. De cette dernière, elle reprend la modestie : les journées se font courtes, le soleil s'efface avec humilité. Les hommes redécouvrent l'enchantement de pouvoir, après six heures du soir, sortir en grande tenue – là où l'été nous écrase toujours en réduisant notre gamme de plaisirs. Inspirés par les décors chatoyants qui s'offrent à leur regard, les hommes s'abandonnent à nouveau aux voluptés du layering. Les tenues dépareillées frissonnent de joie en s'essayant à de nouvelles combinaisons, tandis que les flanelles et les velours côtelés reprennent les douces caresses interrompues plusieurs mois auparavant. Textures et contrastes rivalisent de raffinement, se dressent, flamboyants, et les heures qui passent ont l'aspect d'un verre de whisky savouré dans un fauteuil – la mélancolie en guise de compagne.
Et quand viendra l'hiver, me demanderez-vous ? On pourrait opposer que le froid hivernal apportera aussi sa propre beauté, que les hommes pourront fendre l'air glacial de leur pas déterminé, sublimé par le tombé somptueux du pantalon, et le poids des bottines. Mais comment se réjouir sincèrement quand on sait que ces mêmes hommes disparaîtront aussi dans leur écharpe et leur chapeau, se protégeant d'un épais manteau ? Les mines se feront distantes, les coups d'œil plus fuyants. Si l'automne peut nous sembler ingrat ou capricieux, tâchons d'en apprécier pourtant la beauté : car ces feuilles dont la présence au sol arrive parfois à nous contrarier auront tout à fait disparu dans quelques semaines, emprisonnant nos inspirations dans un souvenir ambré.