L'élégance de la langue

Que veut dire "bien parler" ?

REMARQUES

Léon Luchart

5/20/20241 min read

Une pensée me travaille depuis quelques temps maintenant.

Une idée communément admise nous pousse souvent à croire que (très) bien parler, ce serait employer un français riche et raffiné. Avoir un parler élégant reviendrait notamment à se distinguer de la masse des locuteurs en ayant recours à des mots peu courants, ou des expressions plus élaborées. Ce serait encore avoir l'habitude des tournures compliquées et des constructions syntaxiques les plus audacieuses.

N'avons-nous pourtant pas tous déjà ressenti un profond sentiment de gêne en voyant, par exemple lors d'un concours d'éloquence, des individus s'exprimer d'une manière exagéremment soignée, qui leur était visiblement étrangère le reste du temps ? N'avez-vous pas déjà eu l'impression que certains individus zélés, même au quotidien, étaient aux antipodes de la simplicité et du bon goût ?

Je suis littéraire de formation, amoureux des mots depuis l'enfance, et fervent défenseur de notre belle langue. Je ne cache rien de mon refus de certaines évolutions d'usage du français, quand elles me paraissent inadéquates ou mal avisées. Je ne suis certainement pas en train de vous dire que votre interlocuteur aurait raison de mal s'exprimer, de se livrer à la facilité des anglicismes, ou à celle de la vulgarité.

Tout est en réalité question de contexte, et il en va du verbe comme du costume : vouloir trop en faire mène rarement à un beau résultat.

Comprenez bien que je n'ai rien contre une langue subtile, qui prend le temps de la nuance, et s'appuie sur un vocabulaire délicat. Au contraire. Cela est même capital pour communiquer intelligemment avec autrui. Mais par pitié, ne faisons pas de l'élégance langagière quelque chose d'ampoulé ! Sachons nous adapter à nos interlocuteurs. N'exagérons pas la prononciation des mots en essayant d'en faire trop, n'employons pas avec excès des expressions passées de mode. Cultivons plutôt le bel esprit, le panache, l'allégresse de la pensée. Soignons notre langue sans la rendre ridicule : l'élégance doit rester naturelle, sans quoi elle confine à la caricature.